Mise au point
Mise au point sur la maladie des anticorps anti-membrane basale glomérulaire ou syndrome de GoodpastureReview on anti-glomerular basement membrane disease or Goodpasture's syndrome

https://doi.org/10.1016/j.revmed.2019.10.338Get rights and content

Résumé

La maladie des anticorps anti-membrane basale glomérulaire (anti-MBG) ou syndrome de Goodpasture est une vascularite des petits vaisseaux. Il s’agit d’une maladie auto-immune médiée par des auto-anticorps dirigés sélectivement contre la membrane basale glomérulaire et alvéolaire, entraînant un syndrome pneumo-rénal. Il s’agit d’une maladie rare, monophasique et sévère, associant une glomérulonéphrite rapidement progressive et parfois une hémorragie alvéolaire, réalisant un syndrome pneumo-rénal. On note la présence d’anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) dans 20 à 60 % des cas. La prise en charge doit être précoce et combine des échanges plasmatiques, une corticothérapie systémique et un traitement immunosuppresseur par cyclophosphamide. L’objectif de cette mise au point est : 1) de décrire les caractéristiques physiopathologiques, cliniques et histologiques de la maladie ; 2) de caractériser les patients double-positifs anticorps anti-MBG/ANCA ; 3) de préciser les facteurs pronostiques de survie rénale et globale, et 4) de faire le point sur la prise en charge thérapeutique de cette affection.

Abstract

Anti-glomerular basement membrane (anti-GBM) disease or Goodpasture's syndrome is a small vessel vasculitis affecting the capillary beds of kidneys and lungs. It is an autoimmune disease mediated by autoantibodies targeting the glomerular and alveolar basement membranes, leading to pneumorenal syndrome. It is a rare, monophasic and severe disease, associating rapidly progressive glomerulonephritis and alveolar hemorrhage. The presence of antineutrophil cytoplasmic antibodies (ANCA) is reported in 20 to 60% of cases. Management should be prompt and combine plasma exchange with systemic corticosteroids and immunosuppressive therapy by cyclophosphamide. The objective of this review is: 1) to describe the pathogenesis, clinical and histological features of the disease; 2) to characterize double-positive anti-GBM/ANCA patients; 3) to highlight the prognostic factors of renal and global survival, and 4) to focus on the treatment of anti-GBM disease.

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Histoire et nomenclature

La première description de la maladie des anticorps (Ac) anti-membrane basale glomérulaire (anti-MBG) remonte à 1919. Ernest Goodpasture, médecin et anatomopathologiste américain, rapporte le cas d’un patient de 18 ans décédé d’un syndrome pneumo-rénal six semaines après une infection grippale au cours de la pandémie de 1918-1919 [1]. L’examen anatomopathologique post-mortem retrouvait un syndrome pneumo-rénal associant une hémorragie alvéolaire massive et une néphropathie glomérulaire avec

Physiopathologie

La cible antigénique principale des anticorps anti-MBG est le domaine non-collagène (NC1) de la chaîne α3 du collagène de type 4 (α3(IV)NC1) [6], [7], décrit comme « l’auto-antigène Goodpasture ». Sa distribution tissulaire est restreinte aux membranes basales des capillaires glomérulaires et alvéolaires expliquant le profil clinique de la maladie, mais aussi dans une moindre mesure, à l’œil, aux plexus choroïdes et à la cochlée.

Dans les années 1960, des expériences de transfert passif de la

Epidémiologie

La maladie des anticorps anti-MBG est une maladie rare touchant environ 1 individu par million d’habitants par an en Europe. L’estimation la plus précise provient d’une étude nationale irlandaise de 2016 identifiant tous les cas entre 2003 et 2014, relevant un taux, sensiblement plus élevé de 1,64 par million d’habitants par an [17].

Il s’agit d’une maladie bien décrite dans les populations caucasiennes et asiatiques, mais plus rare dans les populations africaines [18]. Il s’agit d’une maladie

Facteurs génétiques

Comme dans de nombreuses maladies auto-immunes, il existe une forte association de certains allèles HLA avec la maladie, notamment l’haplotype HLA-DR2, retrouvé chez près de 80 % des patients. Par ailleurs, certains allèles, bien que courants dans la population générale et fréquents dans d’autres maladies auto-immunes, ont été identifiés comme fortement corrélés à la maladie, tels que HLA DRB1*1501 et DRB1*0401. D’autres semblent au contraire protecteurs, comme l’HLA DRB1*07. La distribution

Présentation clinique

La présentation classique de la maladie caractérisée par un syndrome pneumo-rénal concerne 60 à 80 % des patients, alors que 20 à 40 % des patients présentent une glomérulonéphrite rapidement progressive (GNRP) isolée et moins de 10 % des patients présentent une atteinte pulmonaire isolée [27]. Le diagnostic est porté devant l’association d’un tableau clinique compatible et la détection d’anticorps anti-MBG circulants par ELISA ou immunofluorescence indirecte, et/ou fixés le long de la MBG sur

Diagnostic biologique de la maladie de Goodpasture

Le diagnostic repose sur la recherche d’isotype IgG1 anti-membrane basale glomérulaire circulants. Leur recherche est un examen-clé du diagnostic et doit être réalisé dans les 24 heures suivant l’admission pour limiter tout retard diagnostique. Le diagnostic peut être fait par immunofluorescence indirecte (IFI) ou par ELISA. Les tests ELISA présentent une meilleure sensibilité (> 90 %) et une plus grande spécificité (> 95 %) que l’IFI. Il convient de répéter le dosage en cas de prélèvement

Particularité des patients ANCA positifs

La coexistence d’anticorps anti-MBG et d’ANCA, ou « double positivité », est plus fréquente que ne le suppose le hasard, avec des taux variant entre 21 et 60 % [37], [38]. Les ANCA de spécificité anti-myéloperoxydase (MPO) prédominent, caractérisées chez 66 à 81 % chez patients double-positifs [39], [40]. Le mécanisme de cette association n’est pas connu. Certaines observations ont montré que les ANCA pouvaient être détectés avant l’apparition de la maladie à anticorps anti-MBG, suggérant que

Prise en charge thérapeutique

Le traitement standard repose sur l’élimination des auto-anticorps circulants par échanges plasmatiques (EP) et un traitement immunosuppresseur par corticothérapie et cyclophosphamide (CYC). Cette thérapie combinée décrite pour la première fois en 1976 [46] reste le traitement de référence de première ligne. Une large étude chinoise en 2011 a confirmé que la thérapie combinée était associée à un bénéfice sur la survie globale (hazard ratio (HR)  = 0,31 ; p = 0,001) et la survie rénale (HR = 0,60 ; p = 

Rechutes

La maladie des anti-MBG est habituellement de début brutal, sévère et monophasique. Cependant, des rechutes sont observées dans 3 à 10 % des cas. Celles-ci peuvent survenir dans des délais très variables après l’épisode initial, dans les jours, les mois, voire les années suivant le diagnostic, rendant parfois la distinction difficile entre une aggravation initiale de la maladie et une rechute vraie. Les récidives sont fréquemment associées à la résurgence des anti-MBG circulants, la production

Conclusion

La maladie des anti-MBG est une maladie auto-immune archétypale, dans laquelle l’auto-antigène et l’auto-anticorps sont clairement identifiés. Il s’agit d’une maladie brutale, le plus souvent monophasique, sévère, grevée d’une lourde morbidité rénale et d’une mortalité. Concernant la prise en charge thérapeutique, la coordination de vastes études prospectives sur la maladie anti-MBG est rendue difficile par sa rareté et sa gravité. La thérapie combinée EP plus corticoïdes plus CYC reste le

Déclaration de liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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